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Comment accéder au bien-être dans un monde transformé par le dérèglement climatique ?

| Juliette Kirscher-Luciani, Fellow de l’Institut Open Diplomacy

7 décembre 2020

Lors de la journée consacrée au thème “Accéder au bien-être” des Rencontres du Développement Durable Ségolène Royal, Présidente de Désirs d’Avenir pour la planète et Ancienne Ministre est intervenue lors d’une masterclass intitulée “Pour permettre le bien-être, réalisons la justice”. Cette masterclass a été introduite par Khadija Ben Romdhane, Déléguée au Y7 de Washington en 2020 et modérée par Thomas Friang, Directeur général de l’Institut Open Diplomacy.

Réaliser la justice et accéder au bien-être ne se fera pas sans la jeunesse

Khadija-El-Kalila Ben Romdhane définit le bien-être par un accès garanti à la culture, à l’emploi, au logement, à la santé gratuite et au numérique, où chacun et chacune organise sa vie de façon épanouie et autonome. Et pourtant cette définition est loin de rendre compte de la réalité du monde de 2020. La crise sanitaire a exacerbé les inégalités sociales et économiques, particulièrement au sein de la jeune génération, à l’international et en France. Elle a renforcé la ségrégation scolaire, la précarité des jeunes, et a accentué leur marginalisation sur le marché de l’emploi.

Lors du G7 des jeunes organisé cette année aux Etats-Unis, à Washington, la délégation française représentée par Khadija-El-Kalila Ben Romdhane a prôné trois principes fondamentaux : l’égalité, l’équité de traitement et la dignité humaine.

Plus de 40 recommandations y ont été formulées, notamment l’urgente nécessité d’accroître la résilience et la capacité d’adaptation des jeunes aux crises à venir, sanitaires et économiques, pour qu’ils puissent être prêts, protégés et formés de manière à réagir de façon optimale. La question de l’intégration de la jeunesse dans la transition verte a été placée au cœur des discussions pour que la justice environnementale soit tout autant une justice sociale et qu’elle puisse mettre la jeunesse au centre du marché de l’emploi et de la transition économique.

Les étudiants défendent des valeurs fortes pour que cette planète soit vivable. Plusieurs écoles ont affirmé leur engagement en matière de développement durable, parmi elles, la Burgundy School of Business.

L’école a traduit son engagement en proposant un programme pédagogique sur l’action citoyenne, où les étudiants travaillent auprès d’associations humanitaires et sociales, ou encore avec des enseignements dispensés sur les entreprises et la RSE, la micro-finance et le management responsable. L’école a la volonté d’aller plus loin en scellant son engagement par la création d’une charte énonçant la responsabilité de son système d’éducation dans la transformation de la société.

Alors que la crise nous éloigne de ces objectifs, ils sont au premier plan des stratégies d’engagement des acteurs de la société. La jeunesse doit être mise au premier plan de l’unification des populations pour la lutte contre le réchauffement climatique.

Ministre de l’environnement lors de la concrétisation des Objectifs de Développement Durable - ODD aux Nations Unies et Présidente de Désir d’avenir pour la planète, du nom de la démarche qu’elle a soutenue en 2007, Ségolène Royal affirme le besoin de responsabilisation des citoyens. Il faut rompre avec l’infantilisation : la peur doit appeler à la capacité de faire confiance et de trouver un discours transparent et sécurisant. Ségolène Royal souligne d’ailleurs qu’il « faut sortir de la mécanique de choc qui déstabilise l’individu, l’entreprise, la ville et le territoire ». Ainsi, elle énonce une idée forte de son Manifeste pour une justice climatique, un véritable outil citoyen qui rend lisible la justice climatique tout en respectant la matière scientifique extrêmement dense qu’il y a derrière cet enjeu. Écrit à la fin de son mandat politique après la conférence de Paris sur le Climat, alors qu’elle était présidente de la COP 21, ce manifeste trouve aujourd’hui une résonance alarmante.

Le bien-être, un idéal ?

Avant le bien-être, il y a l’être. Car dans la plupart des sociétés les plus pauvres, dans les États insulaires menacés de disparition, dans ceux menacés d’effondrement économique, dans les sociétés très fragilisées par des problématiques de santé majeures, l’on se préoccupe en premier lieu d’être, de survie. Le bien-être apparaît ainsi comme un concept d’une société privilégiée. A ce propos, Ségolène Royal revient sur les liens entre différentes problématiques, qu’elle présente dans son manifeste.

Tout d’abord, les liens entre sécurité et climat, ou comment les crises climatiques conduisent aux guerres. Sur les 40 dernières années, 70 % des conflits sont liés au réchauffement climatique, qui a eu pour conséquence directe à certains endroits de la planète l’effondrement de la production agricole. Par le jeu de l’offre et de la demande, ces phénomènes ont conduit à une flambée des prix. Les biens alimentaires devenus trop chers et plus rares, des révoltes populaires ont fini par éclater. Les conséquences du dérèglement climatique sont multiples pour l’être humain, tant il lui est impossible de maîtriser entièrement les sols nourriciers. Les excès des uns, conduisant aux réchauffements climatiques, ont alors un effet direct sur la sécurité alimentaire des autres. Et l’être humain ne peut pas forcer une parcelle de terre à être fertile, malgré les avancées de la science. Ségolène Royal met en regard la résilience du territoire et de l’être humain en affirmant que “la résilience des territoires frappés par les crises climatiques ressemble furieusement à la résilience de tout être humain frappé par des chocs sanitaires et sociaux”.

Le lien entre dérèglement climatiques et menace sur la sécurité alimentaire de millions de personnes s’est manifesté récemment par l’invasion de criquets pèlerins dans la Corne de l’Afrique. De telles crises, en plus de menacer des populations déjà fragilisées, exacerbent les incompréhensions géopolitiques dans des régions largement sous tension. Les conséquences - dramatiques - du dérèglement climatique sont déjà nettement visibles à l'œil nu. Il est donc plus qu’urgent d’agir pour retrouver un équilibre durable.

Le second lien mis en avant par l’Ancienne Ministre concerne la crise climatique et la situation des femmes à travers le monde. Elle indique que les premières victimes du dérèglement climatiques sont à 70 % des femmes alors que ce sont les premières à avoir tiré la sonnette d’alarme du changement climatique. Elles ont depuis longtemps alerté le monde sur l’amplification des phénomènes de déforestation et de sécheresse, et sur leurs conséquences. Dans le monde d'ailleurs, près de 80 % des jeunes sans emploi, sans scolarisation et sans formation professionnelle, sont des femmes.

Étant les premières victimes de la pauvreté, les femmes, qui sont celles qui nourrissent enfants et familles, éprouvent des difficultés croissantes au quotidien. Ségolène Royal ajoute que les agriculteurs et ouvriers agricoles dans le monde sont en fait majoritairement des agricultrices et des ouvrières agricoles. Pourtant, elles n’ont que très rarement accès au crédit bancaire qui leur permettrait, grâce à des investissements mêmes minimes, de développer les rendements agricoles. Le développement du microcrédit peut être une solution pour pallier cet injuste paradoxe.

Tous ces sujets d’importance capitale seront abordés lors de la grande conférence des Nations Unies sur les femmes, le forum Génération Égalité en 2021 à Mexico puis à Paris.

Le bien-être, une notion à conjuguer à l’international ?

Ségolène Royal rappelle l’importance de l’alliance des savoir-faire à l’international : en effet, le partage de savoir et d’expérience ne peut être que bénéfique. Pour que l’être devienne le bien-être partout sur tous les continents, un travail à l’international est nécessaire. D’ailleurs, nous avons vu les liens forts entre crise climatique et accès au bien-être. Ces deux problématiques n’ont pas de frontières, ainsi donc nous ne trouverons de solutions viables sur le long terme sans la concertation de la communauté internationale.

L’Ancienne Ministre dit d’ailleurs placer sa confiance et compter sur les communautés humaines dans la coéducation et la mise en place d’échanges techniques. Cela se joue à tous les niveaux : de l’individu aux pouvoirs publics.

Pour autant, si le problème est mondial, global, il n’est pas dépourvu d’ancrage spatial. L’Europe et la France sont très en demande de cet esprit de coopération. Pour preuve, d’après l’étude d’opinion sur le développement durable effectuée par Focus 2030, 62 % des Français souhaitent que la coopération internationale, portée par la France, soit renforcée pour être plus solidaire vis-à-vis des pays du Sud.

 

Cette analyse engage la parole de son auteur et non celle des intervenants des Rencontres du Développement Durable présents lors de cette conférence.