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Pour que la relance européenne soit (vraiment) verte

| Noémie Galland-Beaune, Fellow de l'Institut Open Diplomacy

20 novembre 2020

Lors de la journée consacrée au thème « Agir à temps » des Rencontres du Développement Durable s’est tenue une masterclass durant laquelle le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, à la Fiscalité et à l'Union douanière Paolo Gentiloni nous a exposé l’action de l’Union européenne pour relancer l’économie européenne tout en répondant aux objectifs du Green Deal.

Penser une nouvelle économie verte

« Les Objectifs de Développement Durable (ODD) sont dans l’ADN de la Commission européenne », explique Paolo Gentiloni. En suivant ces objectifs, la Commission européenne a décidé de faire de la transition écologique une des priorités de l’Union européenne grâce à la mise en place d’un Pacte vert européen. Cette transition passera et affectera tous les secteurs, dont l’économie et la finance. En effet le Pacte vert pour l’Europe propose un plan d’action complet dont les deux objectifs principaux sont l’utilisation efficace des ressources grâce au passage à une économie propre et circulaire ; et la restauration de la biodiversité ainsi que la réduction de la pollution.

Une nouvelle logique de croissance, plus verte et plus inclusive est à privilégier. C’est pourquoi, pour y parvenir, la Commission a développé un plan d’action qui concerne tous les secteurs, comme l’énergie ou encore l’industrie par exemple. Ces stratégies ont pour but de développer un modèle économique circulaire, c’est-à-dire plus efficace et consommant moins de ressources, afin de garantir la croissance sans nuire à notre planète. Ainsi, rendre notre croissance « verte » permettrait à la fois de réaliser la transition vers une économie neutre en carbone, et permettrait la prise en compte de tous les citoyens européens, sans en laisser une partie sans ressources. C’est un pari global.

Pour Paolo Gentiloni, la mise au vert, en décembre 2019, du « Semestre européen », outil permettant la synchronisation des politiques nationales des Etats-membres en matière de budget, de croissance et d’emploi, est un exemple concret de l’importance que l’UE accorde aux objectifs du Pacte Vert. L’objectif de ce Semestre européen est désormais de promouvoir « une durabilité compétitive permettant de construire une économie au service des citoyens et de la planète », comme nous l’explique le Commissaire Européen. Ainsi, les ODD se trouvent au cœur du Semestre européen, comme les nouvelles règles de croissance que devront suivre les Etats membres.

En plus du semestre européen, le nouveau plan de relance européen Next Generation EU entend se mettre au vert. Adopté le 21 juillet 2020 par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européen, ce plan de relance exceptionnel de 750 milliards d’euros doit permettre aux 27 de surmonter la crise de la Covid-19. Pour la première fois, les Etats membres de l’UE ont accepté de recourir à un endettement commun afin de pouvoir relancer l’économie européenne. Au sein de ce nouveau plan de relance, est gravé l’objectif d’être, pour l’UE, neutre en carbone d’ici 2050, comme nous le rappelle Paolo Gentiloni.

La Commission européenne a d’ailleurs demandé à chaque Etat de présenter son plan de relance national, déclinant le plan européen Next Generation. Les plans de relance nationaux devront suivre les exigences européennes, comme la transition écologique, mais aussi le développement du numérique à grande échelle. Ainsi, 37 % des dépenses nationales devront être allouées aux objectifs environnementaux européens, dont la neutralité carbone à horizon 2050. La France a par exemple décidé de dédier 30 milliards d’euros de son plan de relance à la transition écologique, pour développer des transports plus verts (11 milliards d’euros) ou des énergies plus respectueuses de l’environnement comme l’hydrogène (9 milliards d’euros).

Des nouveaux instruments pour une économie verte

La relance européenne décidée en 2020 est inédite également par les instruments qu’elle emploie - pour la première fois, l’UE aura recours à des instruments verts. Comme l’explique Paolo Gentiloni, 30 % de la dette commune des Etats membres, dans le cadre du plan Next Generation UE, sera prise sous forme de Green Bonds, c’est-à-dire d’obligations vertes. Par obligations vertes, on entend un type d’emprunt sur les marchés financiers servant à financer des projets en faveur de la transition écologique. Les émetteurs doivent ensuite publier un suivi des projets et activités financés pour garantir le fait qu’ils aient bien tenu leurs objectifs.

Émettre sur ce marché obligera donc la Commission a une grande transparence sur les projets mis en place et sur la façon d’atteindre les objectifs du Pacte vert. De plus, cet engagement en faveur de l’environnement permettra de soutenir le marché des obligations vertes, qui ne représente aujourd’hui que 4 % du total du marché mondial des obligations. Cette décision européenne a donc également pour but d’inciter les entreprises et collectivités à recourir aux obligations vertes sans pour autant emprunter plus cher, de façon à pérenniser son modèle d’économie verte.

Mais en plus des nouveaux outils financiers, la Commission européenne entend également développer de nouveaux outils économiques pour développer ses « ressources propres » grâce à son plan de relance. Les ressources de l’Union européenne proviennent pour l’instant en majeure partie des Etats membres. Afin de financer sa relance économique, l’Union entend créer de nouvelles ressources axées autour du Pacte vert comme la taxe sur les déchets plastiques et la taxe carbone aux frontières. La première, qui entrera en vigueur en janvier 2021, prendra la forme d’une contribution nationale fixe calculée en fonction du volume de déchets non recyclés. La seconde a pour but de taxer les produits polluants importés au sein de l’UE. Ces deux taxes devraient dégager des ressources suffisantes pour financer le plan de relance européen, tout en soutenant l’effort de la transition énergétique.

Leadership et compétitivité pour une croissance durable

« Le développement durable, ce n’est pas seulement la transition environnementale, c'est aussi ce rôle de leadership qu’on essaye d’avoir en tant que Commission européenne », rappelle Paolo Gentiloni. En effet, il ne s’agit pas seulement d’atteindre la neutralité carbone en Europe, mais aussi d’inciter les autres pays du monde à en faire autant.

Ainsi, la taxe carbone aux frontières que nous évoquions dépasse la seule portée européenne. Si elle entend soutenir les entreprises européennes qui se plient aux exigences environnementales, elle incite également les partenaires commerciaux de l’UE à faire de même : cette taxe permettrait d’éviter de favoriser les produits importés carbonés - moins chers - au détriment des produits conçus dans le respect des exigences environnementales, et dont le coût serait potentiellement plus élevé. « Il faut que le prix des importations en Europe reflète la tenue en carbone des produits », explique le commissaire européen à l’Economie. Les pays importateurs devraient ainsi payer une taxe en fonction des émissions nécessaires à la fabrication de leurs produits, ce qui les rendrait plus chers sur les marchés européens. Ainsi, par l’incitation économique, l’UE souhaite diffuser aux autres pays du monde les bonnes pratiques environnementales sans pour autant affaiblir voire sacrifier l’économie européenne. Et seule une économie forte peut produire un effet d’entraînement dans la communauté internationale.

Le Pacte vert européen, feuille de route de la Commission européenne sur le climat, entre dans la ligne directe des Objectifs de Développement Durable adoptés par les Nations Unis en 2015 par sa volonté de mettre en place une économie propre et durable. La crise de la Covid-19 et la relance qui s’amorce dévoilent les instruments d’une nouvelle croissance verte et inclusive. Pour réaliser ce nouveau type de croissance, la Commission européenne a décidé de développer de nouveaux outils et indicateurs afin de permettre aux Etats membres de réaliser leur transition écologique, à l’image du plan Next Generation EU. Quels seront les effets de ce leadership vert ?

Cette analyse engage la parole de leur auteur et non celle des intervenants des Rencontres du Développement Durable présents lors de cette conférence.